A trois semaines de l’interdiction des bouteilles et des flacons récupérés, la politique de récupération des bouteilles et flacons en plastique dans les entreprises burundaises est quasi-inexistante. Certains emballages sont réutilisés sans respect des normes d’hygiène, d’autres jonchent le sol, mettant ainsi en danger la santé publique et l’environnement. 

« Il y a des bouteilles de marque MERU ?» demande Thierry Nahimana, collecteur des bouteilles à David, boutiquier établi à Nyakabiga, en commune Mukaza de la Mairie de Bujumbura, capitale économique. Dans cette boutique,  Thierry y collecte six bouteilles ce jeudi 26 Janvier.

Chaque jour, Thierry passe, sacoche au dos, d’une boutique à l’autre demandant aux tenanciers des boutiques s’ils ont conservé les bouteilles emballant les boissons fabriquées par MERU Investments, entreprise de fabrication de boissons ultra alcoolisées afin de les leur acheter.

Depuis que les boutiquiers ont appris qu’ils peuvent revendre les bouteilles de marque MERU, le regard a changé :

« Quand un client vide sa boisson, nous nous dépêchons de récupérer l’emballage, car les bouteilles de marque MERU, c’est de l’argent.  Nous revendons deux fois les produits de marque MERU: l’une pour les boissons et l’autre pour les bouteilles. Nous prenons soin de ces bouteilles. Nous ne les jetons pas comme nous le faisons pour les bouteilles qui emballent d’autres boissons comme l’eau, le Jus ou l’alcool, nous dévoile David

La collecte des bouteilles a du pain sur la planche. D’autres jeunes commencent à s’y intéresser. Ils rivalisent d’ailleurs en collectant les bouteilles de marque MERU : tantôt, les autres collecteurs viennent avant notre passage, tantôt j’y passe avant eux, nous raconte ce jeune collecteur Thierry Nahimana. Les boutiquiers offrent leurs produits au premier venu ou au plus offrant s’ils s’y croisent.

« J’achète aujourd’hui cette bouteille parfois à 400 FBu et je la revends à 500 FBu à l’entreprise MERU » nous annonce Thierry.

Avant que la demande en bouteilles de marque MERU grandisse, leurs prix variaient entre 300 et 350 FBu, se souvient-il.

Selon les boutiquiers, la demande en bouteilles de marque MERU monte en flèche de jour en jour. Nous accueillons entre 2 et 5 collecteurs par jour, indique David.

Même à l’intérieur du pays, la collecte des bouteilles de marque MERU est fréquente. D’après Jean Marie qui les collecte en province Rumonge, au sud du pays, il les achète entre 200 et 250 Fbu.

Pour tirer profit de cette collecte, je collecte environ 1000 bouteilles avant de descendre sur Bujumbura les revendre. Chez nous à Rumonge, les gens viennent parfois me les vendre à la maison. Les bouteilles de marque MERU ne jonchent pas le sol comme les bouteilles des autres marques de boissons, ajoute-t-il.

Au marché des bouteilles MERU, c’est-à-dire à Ngagara où MERU Investments fabrique les boissons, Thierry Nahimana a avoué y avoir rencontré les vendeurs des bouteilles MERU d’autres provinces comme Muramvya, etc.

D’après Thierry Nahimana qui a travaillé à l’entreprise MERU Investments, cette entreprise recycle les bouteilles avant de les réutiliser.

Au-delà du commerce, l’entreprise MERU  a mis en place une politique efficace de gestion des bouteilles émises en les achetant à ses clients par l’entremise des collecteurs. Politique qui semble échapper à un grand nombre d’entreprises burundaises.

Les jeunes semblent y trouver aussi leur compte dans le pays où le chômage bat tous les records dans la communauté Est Africaine.

Jeter les déchets un peu partout : une pratique courante au Burundi

Parallèlement, les burundais continuent à jeter  un peu partout les bouteilles ou flacons en plastiques des autres marques. Et surtout dans les caniveaux.

Jean Noël que nous avons rencontré à Bwiza, quartier populaire de la Commune Mukaza en Mairie de Bujumbura a jeté le flacon en plastique dans le caniveau proche de lui.

En lui demandant s’il est conscient du tort qu’il cause à la nature en posant ce geste, Noël nous a répondu qu’il a agi ainsi parce qu’il n’y a pas des poubelles publiques proches qui puissent servir de collecte des bouteilles ou de flacons en plastiques utilisés. Cette pratique est courante à Bujumbura comme en province.

Pour le boutiquier David, d’autres bouteilles ou flacons en plastique n’ont aucune valeur, car les fabricants ne les valorisent pas en les leur achetant. Ce qui explique pourquoi ils les laissent traîner au sol.

En octobre 2020, le ministère ayant l’environnement dans ses attributions avait annoncé qu’un individu qui jettera ces emballages en plastiques n’importe où sera frappé d’une amende de 2 000 à 5 000 FBu. S’il s’agit  d’une personne morale, ce sera une amende qui varie entre 50 000 et 100 000 FBu.

A la suite de ces mesures, l’Etat, les entreprises privées et les Organisations Non Gouvernementales ont équipé le centre-ville de Bujumbura en poubelles publiques.

Cependant, cela n’empêche pas que les burundais jettent les bouteilles ou les flacons en plastiques dans les caniveaux.

De plus, ces mesures n’ont jamais été appliquées. Or, les experts démontrent qu’un emballage en plastique met entre 100 et 400 ans pour se dégrader biologiquement.

Selon l’expert en environnement, Célestin Nkunzimana, il faudrait une conscientisation de masse sur la gestion des bouteilles ou flacons en plastique.

En province, les poubelles publiques restent une perle rare

Dans les quartiers pourtant et en province, les poubelles publiques restent une perle rare.

Les caniveaux se muent en poubelles publiques. A travers tout le pays, ils sont bouchés de toutes sortes de déchets solides.

Les conséquences ne tardent pas à s’exposer. A chaque fois qu’il pleut en abondance, les inondations sont  récurrentes au Centre-ville de la Mairie de Bujumbura.

La route devient également impraticable. Et pour les piétons et pour les véhicules.

Ce 31 janvier, les piétons qui ne veulent pas se mouiller payaient entre 300 et 500 FBU, soit 0,25 USD pour qu’on les porte au dos jusqu’à l’arrêt des bus.

Eric se souvient d’avoir payé un taxi 3000FBU pour une distance de quelques mètres afin de traverser les inondations au Centre-Ville.

Pour l’expert en Environnement Célestin Nkunzimana, ces inondations sont la conséquence des caniveaux évacuant les eaux des pluies bouchés par toutes sortes des déchets.  Ces eaux doivent alors se trouver un chemin si leurs chemins, les caniveaux, sont bouchés.

Si l’érosion charrie ces déchets plastiques, ils finissent dans le Lac Tanganyika.  Sur les plages du lac Tanganyika, les déchets plastiques jonchent un peu partout. A titre d’exemple, à Kumase, au quartier Ngagara, les déchets plastiques s’y sont amassés en grand nombre.

Selon la Banque mondiale, le monde génère chaque année 2 milliards de tonnes de déchets solides municipaux. Ce chiffre devrait atteindre 3,4 milliards de tonnes en 2050.

Sur 630 tonnes de déchets produits quotidiennement en Mairie de Bujumbura, environ 51 tonnes sont des déchets plastiques. Néanmoins, sa gestion pose jusqu’aujourd’hui problème.

En 2018, le président burundais a décrété une loi interdisant la fabrication, l’importation, le stockage, la vente et l’utilisation de tous les sachets et d’autres emballages en plastique.

Pour quelques sociétés publiques ou privées qui  avaient reçu la dérogation, l’article 7 du même décret stipule:

« Les déchets en plastiques, y compris les bouteilles et les flacons en plastiques sont retournés chez les fournisseurs qui en assurent le stockage, le recyclage ou la valorisation

Les émetteurs de ces déchets plastiques ne les récupèrent pas. Bien au contraire. Ils sont récupérés par les particuliers détaillant les produits liquides  comme l’huile de palme et de coton et d’autres entreprises  fabriquant  les jus pour emballer  à leur tour leurs produits.

Emballage de récupération, origine des maladies graves ?

Si on conserve l’huile de palme dans les flacons de récupération pendant toute une semaine, ce produit tombe en désuétude, parce que ces flacons ne sont pas nettoyés selon les règles d’hygiènes, éclaircit Severin Sindayikengera, Directeur Général du Bureau Burundais de Normalisation.

Toujours selon le même Directeur, les flacons en plastiques présentent des risques pour les consommateurs selon la nature des produits. Des risques qui vont jusqu’à attraper les maladies graves comme le cancer.

Emballés en flacons plastiques par exemple, l’huile de palme ne passera pas les frontières du Burundi, observe Cibogoye, Chef de service Promotion des Exportations à l’Agence de Développement du Burundi (ADB en sigle).  Pour lui, il faut bien emballer pour vendre.

Selon Ir. Désiré Rudaragi, expert en sécurité sanitaire des aliments, les familles qui consomment les produits empaquetés dans les emballages inadéquats tombent souvent malade. Elles passent ainsi le temps qu’elles devaient consacrer au travail, à l’hôpital et affectent les fonds familiaux aux soins médicaux, etc. Somme toute, leurs économies vont decrescendo.

Cibogoye précise que l’argent public qui pouvait être alloué à d’autres secteurs porteurs de croissance est ainsi affecté à la santé. Ce qui maintient notre pays sur la liste des pays pauvres, car le taux de morbidité est très élevé.

Pour pallier ce défi, BBN a interdit ce jeudi 02 Février toute réutilisation des emballages de récupération dans tout le pays à partir du 26 Février. Il rappelle qu’ils leur ont donné un délai de six mois pour changer de l’emballage.

En outre, le Directeur du BBN déplore le comportement des commerçants burundais qui attendent le dernier jour pour mettre en application cette mesure.

Afin de pallier le déficit d’Emballage, le Chef de service Promotion des Exportations à l’ADB explique que le Burundi devrait s’inspirer de l’Algérie où la société General a développé un partenariat avec une université locale pour développer un cursus d’emballage et du conditionnement.

Depuis 2013, la société investit chaque année dans la formation de deux ans d’une trentaine d’étudiants.

Au terme de la formation, ils sont employés à plein temps au sein de cette société. Un des aspect important d’adéquation des cursus académiques aux besoins du marché, conclut Jean Claude Cibogoye.

 

Arthur Bizimana

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