[BUJUMBURA] L’agriculture hors-sol tend à se vulgariser au Burundi. Elle se traduit par des cultures où les végétaux effectuent leur cycle complet de production sans que le système racinaire ait été en contact avec le sol.
Contrairement aux autres cultures, les cultures hors sol sont faites sur les résidus des récoltes : des fanes de haricot, des rafles de maïs, des pailles de blé, etc. L’un des aliments les plus cultivés selon cette technique au Burundi est le champignon, encore appelé pleurote.
« Les champignons se cultivent sur tout ce qui est résidus de l’agriculture et de l’agro-industrie. Avant de procéder à la culture proprement dite, il faut d’abord désinfecter les substrats. Ce qui se fait généralement par pasteurisation à haute température. Cette opération est exigée parce que les substrats sont ramassés dans les champs et contiennent un certain nombre de contaminants », affirme Prosper Kiyuku, co-auteur d’une étude publiée en 2013 sur le sujet.
“La culture hors-sol accélère la croissance des végétaux et réduit le risque de maladies qui se développent naturellement dans le sol”
Prosper Kiyuku, université du Burundi
Cette étude avait alors démontré que toutes les provinces du Burundi disposent de bonnes conditions pour la mise en culture d’une large gamme de champignons comestibles en offrant tant la chaleur des plaines que les températures plus basses en altitude ainsi que toute une série de déchets de l’industrie et de l’agriculture jusqu’à présent quasiment inexploités et donc peu coûteux.
« Le projet champignon, culture-hors sol a été créé à l’université du Burundi en 1994 en collaboration avec l’université de Gand en Belgique. Des recherches ont été menées sur plusieurs espèces de champignons, mais les plus répandues au Burundi appartiennent au genre Pleurotus », rappelle Vincent Nteziryayo, enseignant et chercheur à la faculté d’agronomie et de bio-ingénierie (FABI) de l’université du Burundi.
La culture hors-sol des pleurotes était alors perçue comme une alternative qui pourrait contribuer significativement à la diversification et à l’augmentation des ressources alimentaires.
La culture des champignons se fait dans une maison et non dans des champs à ciel ouvert comme se fait celle des autres plantes. Se cultivant hors-sol, les champignons n’ont pas besoin de terre arable, de fertilisants ni de pesticides. C’est une culture non saisonnière qui a un cycle cultural de 28 jours.
Rémy Sibomana, chargé de recherche à l’université populaire Haguruka (UPH) indique que la culture des champignons est facile à pratiquer tout comme elle porte des fruits et des dividendes en peu de temps.
En effet, les chercheurs affirment que dans la région des Grands lacs africains dont fait partie le Burundi, le rendement de la culture de pleurotes se situe en général entre 30 et 40 % des champignons pour les substrats non enrichis, avec un taux de stérilisation de 2 %, et en culture en gros sachets.
Pour les substrats plus riches, disent-ils, les rendements peuvent varier entre 60 et 80 %. Ils ajoutent que les essais de culture en champignonnière ont montré qu’il est possible d’incuber une tonne de bottes de substrat dans une champignonnière de 40 m2 et de produire facilement 4 tonnes de champignons frais par an, ce qui équivaudrait à un revenu de 4.000 à 6.000 US$, en fonction évidemment du prix de vente.
La Société de valorisation de l’espace et de la transformation (SOVERT) est spécialisée dans la culture des champignons. Elle est basée sur la colline de Kibimba, commune Giheta dans la province de Gitega.
Michel Barakamfitiye, un de ses responsables, confirme que sa culture n’exige pas beaucoup de moyens et sa production est très rapide. Il soutient que la récolte de SOVERT est passée de 80 Kg à 2 tonnes par mois en peu de temps et que toute cette production est écoulée sur le marché local.
Hakizimana Déo qui utilise les champignons pour faire des brochettes au Bar Mwibanga de Kibimba indique qu’ils sont très appréciés par les consommateurs.
Gérard Ntirampeba de l’association RAJES (Rassemblement des jeunes pour la solidarité) fait savoir qu’actuellement les champignons comestibles font l’objet d’une culture domestique. En période de sécheresse, elle permet en effet de fournir des produits frais tout en transformant des déchets agricoles en protéines alimentaires de haute qualité.
Par cette culture, dit-il, la population pourra consommer régulièrement les champignons pendant l’année sans interruption. Et par sa rentabilité cette technique génère des revenus aux paysans burundais.
« Les champignons constituent un aliment à haute valeur nutritionnelle en raison de leur richesse en protéines, en acides gras insaturés et polyinsaturés, en vitamines, en éléments minéraux majeurs et en oligoéléments », justifie Prosper Kiyuku qui est par ailleurs biologiste à l’université du Burundi.
« De nombreuses vertus thérapeutiques leur sont également attribuées : réduction de la cholestérolémie, de la glycémie, de la fatigue, renforcement du système immunitaire, capacité d’éliminer de nombreuses toxines métaboliques en raison de la présence de polysaccharides à propriétés antioxydantes, propriétés antitumorales », ajoute ce dernier.
Médard Ndayikengurukiye, directeur de la Promotion des filières agricoles et produits forestiers non ligneux au sein du ministère de l’Environnement, de l’agriculture et l’élevage avoue que la culture des champignons contribue à la sécurité alimentaire.
« Car, elle ne demande pas beaucoup d’espace, on peut les cultiver hors-sol et c’est moins exigeant. Pour une seule souche, les exploitants de ces cultures peuvent récolter 3 à 4 fois. Et ça contribue aussi à l’amélioration des revenus des ménages », explique ce dernier.
Les chercheurs soutiennent que ce mode de culture a été promu comme l’une des solutions alternatives afin d’augmenter la production vivrière dans un contexte environnemental d’insuffisance des terres. Car, disent-ils, ce mode de culture est économique en matière de gestion d’espace et il offre plusieurs avantages par rapport à l’agriculture traditionnelle.
Prosper Kiyuku souligne par exemple que la culture hors-sol accélère la croissance des végétaux et réduit le risque de maladies qui se développent naturellement dans le sol. Pour ce qui est des engrais minéraux, il fait savoir que les techniques de culture hors-sol conduisent aussi à une économie importante puisque les apports sont calculés en fonction des besoins.
Sur le plan de la résilience aux changements climatiques, la culture des champignons peut se pratiquer tout au long de l’année sans aucune influence des saisons. Elle est aussi respectueuse de l’environnement puisqu’elle n’exige pas de terres arables et se satisfait des résidus de récoltes ou des herbes de la savane destinée à être brûlées au bout de leur cycle végétatif.
Enfin, à l’issue du processus de culture, les substrats utilisés peuvent être compostés et contribuer à la fertilisation des champs et des jardins de case. Ils peuvent aussi servir à l’alimentation du bétail ou des poissons de pisciculture.
En outre, cette culture est pratiquée dans un but d’économie d’eau et d’engrais. Ainsi, l’utilisation des engrais et produits chimiques connait une réduction « drastique ».
Par ailleurs, « comme elle se pratique sur les résidus de l’agriculture et de l’agro-industrie, le recyclage des solutions entraîne beaucoup moins de ruissellement d’eau et de fertilisants dans l’environnement et réduit donc la pollution comparativement à la culture en pleine terre », décrivent les experts.
Rémy Sibomana martèle qu’au-delà de cela, la consommation familiale, la commercialisation du surplus de production des champignons peuvent, sans aucun doute, contribuer à l’autonomisation et à l’amélioration des conditions socio-économiques des ménages.
Au moment où le prix de la viande ne cesse de monter, Jean-Marie Habarugira un promoteur de la culture des champignons dans la commune de Rutegama, province de Muramvya, trouve que le champignon est un vrai substituant.
« A force de consommer les champignons en lieu et place de la viande dans les localités où ils sont cultivés, l’abattage des animaux domestiques comme les vaches et les chèvres a baissé sensiblement. Et cela a contribué à l’augmentation du cheptel bovin », corrobore l’universitaire Rémy Sibomana.
Face au succès de cette technique des organisations, à l’instar de l’Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines (ADISCO), souvent en collaboration avec la FABI, organisent des programmes de formation pour vulgariser la culture hors-sol au Burundi.
Cependant, Prosper Kiyuku précise que cette pratique ne peut pas s’appliquer à d’autres cultures de consommation courante : maïs, riz, haricot, manioc, banane, etc. Par contre, elle peut s’appliquer pour pas mal de légumes : choux, oignons, carottes et même les courges…
source: SciDev.Net
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