Pour promouvoir les droits de propriété foncière et l’autonomisation économique des femmes au Burundi, le Centre pour le Développement des Entreprises mettait au grand jour de par son expert Dr. Alexis Manirakiza et enseignant à l’Université du Burundi une étude de recherche sur les barrières culturelles et juridiques ce lundi 25 Juillet au Martha Hôtel.
Sur 80,2% des propriétaires fonciers recensés par ISTEEBU ( RGPH, 2008), 62,5 % sont détenus par les hommes et 17,7% par les femmes, nuance Dr. Alexis Manirakiza.
Pour cet expert, le mode successoral est le principal facteur expliquant l’inégalité d’accès à la propriété foncière entre homme et femme. Il relève encore et toujours du droit coutumier, précise-t-il. Or, les normes coutumières successorales à la propriété foncière, telles qu’interprétées par des juridictions burundaises discriminent manifestement les femmes.
A titre illustratif, si la succession porte sur des biens fonciers lignagers en milieu rural, la discrimination sur le genre se dessine tandis que si elle porte sur des biens fonciers propres surtout en milieu urbain, la discrimination basée sur le genre s’éteint un peu.
Interprétations des lois en faveur des hommes
Beaucoup de juridictions interprètent les normes coutumières relatives à la succession différemment :Dans les tribunaux progressistes, les femmes mariées ont droit au petit lopin de terre dit « igiseke » tandis que dans les tribunaux conservateurs, elles n’hériteront rien, dixit Alexis. Quant aux filles célibataires et femmes divorcées, poursuit l’expert, elles partagent équitablement avec leurs frères, mais n’ont pas le droit de disposer comme elles veulent leur propriété.
Si la succession porte sur des biens fonciers et que le conjoint survivant est une femme, son droit successoral est limité par rapport à celui de l’homme survivant.
Il faut noter que le Burundi est un pays dont 85 % de la population dépend de l’agriculture, en d’autres termes de l’accès à la terre.
Et si le non accès des femmes à la terre était une barrière à l’inclusion financière?
Tout porte à croire que l’accès des femmes à la propriété foncière permettrait d’augmenter leur inclusion financière dans la mesure où il leur serait facile d’obtenir du crédit mettant en garantie leur terre, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.
Le taux d’inclusion financière des femmes est éloquent. D’après la Banque de la République du Burundi, le taux d’inclusion financière est passé de 30,6 % en 2013 à 28,3% en 2015 alors que celui des hommes est passé de 69,4% à 71,7% à la même période.
Permettre aux femmes d’avoir accès à la propriété foncière, c’est leur permettre d’être économiquement indépendantes et développer toute la société, atteste cet expert. S’appuyant sur l’exemple de Népal qui a réduit de moitié la malnutrition (USAID, Népal), il explique que les pays ayant donné l’accès des femmes à la propriété foncière ont abouti à un développement intégral du pays.
Malheureusement, la burundaise est souvent victime des violences domestiques quand elle ose élever la voix contre la dilapidation des biens nécessaires et finit par se résigner et encaisser des coups des suites de la dépendance économique. Pourtant, si elle avait les mêmes droits que son époux, cela permettrait un respect mutuel entre conjoints.
A en croire cet expert, la poussée démographique, la dépendance à la terre, l’exiguïté des terres et les confits fonciers ne devraient pas être considérés comme des obstacles insurmontables pour justifier l’inégalité d’accès à la propriété foncière entre homme et femme plutôt des défis à relever. Cela est possible s’il y a une réelle volonté politique, clôt sa communication.
Dans son mot d’ouverture, le Directeur du Think Tank Centre pour le Développement des Entreprises (CDE en sigle) Aimable Manirakiza indique que l’étude «Plaidoyer pour l’égal accès des femmes burundaises à la propriété foncière: contribution au développement des stratégies juridiques en vue de lutter contre la discrimination basée sur le genre en matière d’accès à la propriété foncière » s’inscrit dans le cadre d’un projet intitulé « Why Women » qui vise à promouvoir les solutions locales autour de l’autonomisation économique et les droits de propriété pour les femmes au Burundi que le CDE exécute.
Par Arthur BIZIMANA