La taille moyenne d’une exploitation agricole par ménage diminue dans les zones rurales de la RDC et du Burundi suite à la pression démographique. Elle est suivie de la perte de fertilité à cause de la surexploitation. En conséquence, la population s’accapare d’espaces forestiers pour créer des champs fertiles et remet en cause les limites des parcs et forêts. Il y a la prédation de la faune et l’usage des pratiques comme l’agriculture sur brûlis. Ces nouveaux champs agricoles fragilisent des rivières comme la Rusizi au Burundi. En RDC, les migrations vers les forêts vierges n’arrivent plus à résoudre le problème de champs pour plus d’une raison que décortique ce grand reportage collaboratif réalisé au Burundi par Arthur Bizimana et en RDC par Hervé Mukulu, édité par Annika McGinnis de l’InfoNile, avec le soutien du Rainforest Journalism Fund en partenariat avec Pulitzer Center.
Au Burundi, les forêts cèdent la place aux champs agricoles; en RDC, le parc de virunga menacé
Herbes sous le feu et arbres coupés inclinés sur les vieux troncs d’arbres dans la réserve naturelle forestière de Monge. C’est le paysage qu’offrent les alentours de la colline Kayombe en zone et commune Bugarama de la Province Rumonge au sud-ouest du Burundi. La forêt cède progressivement la place aux champs agricoles de pomme de terre et de choux.
Les agriculteurs cultivent jusqu’au-delà de la rivière Mahuba qui délimite la réserve naturelle forestière de Monge avec les exploitations agricoles des particuliers en détruisant toute végétation au passage.
A la création de la réserve naturelle forestière de Monge en 1989, sa superficie s’élevait à 5000 hectares et abritait 47 ménages autochtones, indique Niyongabo Cyprien, responsable de la réserve naturelle de Monge.
Cependant, sa superficie a diminué sensiblement au fil des années. Elle s’élève à 3200 hectares à l’heure actuelle. Plus de 30 ans après sa création, environ 2000 hectares sur 5000 hectares de la réserve naturelle forestière de Monge sont déjà partis en fumée, estime Niyongabo.
“Les autochtones se sont accaparés des terres de la réserve naturelle forestière de Monge et les ont vendu aux Burundais de la région du sud (Mugamba) qui ont migré dans cette région à la recherche des terres cultivables fertiles et du pâturage pour leur bétail. » affirme Cyprien Niyongabo.
“Le nombre des autochtones et des nouveaux occupants a augmenté. De ce fait, leurs lopins de terre ont diminué. Ils ont agrandi leurs exploitations agricoles dans la forêt.” explique le responsable de la réserve naturelle de Monge.
« Par le passé, ces étendues nues étaient cultivables. Lorsqu’elles sont devenues infertiles, jusqu’à ce que les herbes n’y poussent pas; les agriculteurs ont défriché d’autres terres cultivables de la forêt. La présence des ménages à l’intérieur de la forêt est une menace pour Monge.”, se lamente Bizoza Léonidas, garde-forestier.
La dégradation qu’a connu le paysage protégé de Mukungu-Rukambasi est en train de se produire à Monge, explique le professeur André Nduwimana, écologue de formation et enseignant à l’université du Burundi dans le département de l’environnement. Situé au sud du pays à environ 80 km de la réserve naturelle forestière de Monge, les paysages protégés de Mukungu-rukambasi occupent environ 8500 ha.
“Il y a quelques années la forêt de Mukungu-Rukambasi était dense, mais c’est un désert à l’heure actuelle. Les agriculteurs l’ont exploitée une seule fois, détruisant toute végétation au passage arguant que la forêt est fertile” indique-t-il.
Lorsqu’il a plu, car les forêts se trouvent souvent sur les pentes versant, l’érosion a charrié cette couche fertile vers la rivière. À l’heure actuelle, ça devient un problème. La terre, autrefois fertile, s’est muée en terre stérile. Rien n’y pousse.”
Cette expérience vaut également pour Monge qui se mue “en terres arides et abandonnées” constate-t-il: “
Si rien n’est fait dans l’immédiat pour préserver cette forêt aussi tôt possible, la forêt pourra disparaître, avertit Cyprien Niyongabo.
Selon l’informateur qui a requis l’anonymat, certains des agriculteurs occupant illégalement la réserve naturelle forestière de Monge le font sur leurs propres comptes, d’autres avec la complicité des écogardes.
“Ces agriculteurs donnent le pot de vin dit « Ikibando », qui se traduit par « Gros bâton » en référence aux bâtons que les éco-gardes se munissent lors des patrouilles, aux gardes-forestiers. Les intermédiaires entre les agriculteurs et les garde-forestiers collectent de l’argent qui s’équivaut aux frais de location des lopins de terre des particuliers et en offrent aux garde-forestiers.”
“Dans tel cas, on cultive sans qu’il y ait des perturbations: Cette pratique date de longtemps quand la forêt était encore dense. Tu vois maintenant, la forêt cède la place aux champs agricoles” explique cet informateur.
En revanche, certains des champs agricoles que les garde-forestiers nous ont montrés à Monge appartiennent aux agriculteurs qui exploitent illégalement l’espace forestier, mais qui ont refusé de payer le pot de vin aux écogardes. “Ils sont alors persécutés par les écogardes” précise-t-il.
S’ils avaient eux aussi consenti à donner le pot de vin, ils seraient épargnés des poursuites de tout le temps, fait savoir cet informateur. Les écogardes, néanmoins, disent que la forêt de Monge est exploitée clandestinement pendant les heures hors services.
Berchmans Hatungimana, directeur de l’Office Burundais pour la Protection de l’environnement reconnaît: “les écogardes sont parfois complices de l’attribution des terres dans les forêts.Dans la mesure où ils sont attrapés, ils sont révoqués de leurs fonctions et ensuite traduits en justice”.
Pacifique Nininahazwe, responsable du parc de la Rusizi indique que lorsqu’il débute son travail en 2020: “ certains agents de l’OBPE ont été coupables d’avoir distribué les terres cultivables dans le parc et ont été punis.”
A l’ouest du Burundi, nous sommes en RDC, deuxième pays le plus grand du continent. A la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda, les limites du parc national de Virunga, plus vieux parc d’Afrique, dont la superficie s’élève à 772 700 ha, sont en perpétuel remise en cause par des personnes dégradant la forêt.
L’activité agricole dans le paysage se fait principalement selon des méthodes archaïques, entraînant une production insuffisante pour couvrir les besoins des populations.
Pour augmenter la production agricole, les exploitations doivent utiliser plus de terres, ce qui entraîne une pression accrue sur les ressources naturelles, au point de provoquer une perte d’environ 8 % de la forêt naturelle en 2013, indique une étude du Cifor.
A cette activité agricole, il faut ajouter l’exploitation forestière et la fabrication de « l’or noir », le charbon de bois. Ce dernier représente une économie illégale d’environ 1 680 000 dollars par mois pour les groupes armés.
“Pour cultiver dans le parc, il y a certaines personnes qui se font passer pour des chefs coutumiers de la région, s’accaparent des terres du parc et les vendent aux pauvres ignorants, car beaucoup ne connaissent pas les limites du parc et des territoires des chefs terriens voisins du parc.”, indique Nzilamba Mukwahabiri Tridon , chef du service de l’agriculture, pêche et élevage AGRIPEL de la commune rurale de Kyondo, territoire de Beni, province du Nord-Kivu dans l’Est de la RDC. Il faut noter que certaines des limites du parc restent conflictuelles jusqu’aujourd’hui entre la population locale et les écogardes.
Quand un individu commence à cultiver dans le parc en clandestinité, il est suivi par les autres quand ils voient sa récolte, poursuit Nzilamba Mukwahabiri Tridon. Il arrive même à leur vendre des champs (terres forestières).
Lorsque les champs deviennent nombreux, ils sont remarqués facilement par les garde-forestiers.
En guise de punition, les gardes-forestiers détruisent leurs récoltes;”Ils attendent presque la maturation des cultures plantés illégalement dans le parc comme le riz, le manioc, …et viennent tout raser à terre, réduisant ainsi à zéro le travail clandestin de 6 mois à 2 ans et arrêtent également les fautifs .” ajoute-t-il.
Pour être libérés des geôles des gardes-forestiers, ils vont jusqu’à vendre leurs biens laissés ici au village pour payer les amendes. », un cercle vicieux de pauvreté que déplore l’agronome Nzilamba Mukwahabiri Tridon.
Bienvenue Bwende, chargé de communication du PNVi les rappelle : « Toute activité illégale dans le parc est un crime environnemental. Le Virunga est un espace inviolable, c’est une aire protégée. Quiconque la viole, il faut qu’il sache qu’il y a des conséquences. »
Mais, les gens y vont toujours, car n’ayant pas de choix: « Tout à cause des conflits fonciers et des éboulements des terres. On y va comme ça. Mais ce n’est pas qu’il n’y a pas de solution » se désole Kavira Kavalami Marie José, directrice du Centre d’Etude des Mécanismes pour le Développement Local, CMDL Kyondo.
Les parcs menacés, les animaux envahissent les champs et habitations
Pendant ces dix dernières années, on relève au Burundi une baisse de la production agricole suite à aux déficits ou aux excès pluviométriques mêlés souvent de grêle et tempêtes tropicales violentes, note Dr Déo Guide Rurema, ancien ministre de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage. Les pluies diluviennes, les vents violents et la grêle détruisent non seulement les champs, mais aussi ils accélèrent la dégradation des sols, constate-t-il.
Plus de 80% des burundais sont des agriculteurs et comptent sur les précipitations pour cultiver et produire. Toutefois, depuis 2020, le Burundi perd chaque année 5,2 pourcent de sa superficie en raison de la dégradation des terres, selon le rapport de la Banque Mondiale de 2022 “Tackling Climate Change, Land Degradation and Fragility”.
La région de l’Imbo fait partie des régions qui subissent énormément les impacts du changement climatique. Selon le rapport de l’Institut National des Statistiques du Burundi publié en Mars 2023, les précipitations à la station météorologique de Imbo, située à l’ouest du Burundi sont passées de 94,3 mm en 2011 à 66,3 mm en 2021.
Du côté de la RDC, une étude menée sur une période de 50 ans par le Professeur Sahani Walere, expert en gestion des catastrophes naturelles, montre que dans la région de Butembo, il y a une diminution de la quantité des pluies mensuelles.
“Il y a déjà eu des perturbations très sensibles pendant la petite saison pluvieuse. C’est-à-dire, on a perdu en termes d’amplitude et en termes de longueur 25% des pluies en 50 ans ; ce qui est une catastrophe en gestion des risques naturels. Et ça se remarque durant la petite saison pluvieuse, les agriculteurs en milieu urbain sont complètement déboussolés par rapport aux activités à mener », explique le professeur Sahani Walere, enseignant en faculté des sciences agronomiques à l’UCG.
Parallèlement, la taille moyenne d’une exploitation agricole d’un ménage diminue. En 2016, par exemple, la taille moyenne d’une exploitation agricole d’un ménage ayant 6 enfants s’élève à 0,5 hectare. Le changement climatique, couplé de l’exiguïté et de l’infertilité des terres poussent les agriculteurs, au Burundi et en RDC, à dépasser les limites des parcs à la recherche des terres cultivables encore fertiles au Burundi. En conséquence, les animaux sauvages ravagent leurs cultures :
« Nous cultivons les champs agricoles aux alentours du parc. Toutefois, les animaux viennent ravager nos cultures. S’ils ravagent les cultures, les fonctionnaires du parc notent et s’en vont. Personne n’est dédommagé. Par contre, s’ils attrapent les chasseurs dans le parc de la Ruvubu, ils purgent leur peine. » se lamente l’agriculteur Hasabamagara qui cultive aux alentours du parc national de la Ruvubu, dans la partie Est du Burundi.
Le code forestier du Burundi de 2016 prévoit la zone tampon d’un kilomètre (1 km) entre les limites des parcs et les champs des particuliers. Cependant, beaucoup d’agriculteurs cultivent jusqu’aux limites du parc ou à l’intérieur du parc et remettent en cause les dimensions du parc, observe le responsable du Parc national de la Ruvubu, Bakundintwari Marc.
Les limites des aires protégées au Burundi sont discutées, puisqu’elles ont été mises sur une décision unilatérale de l’autorité de l’Etat sans l’implication de la population locale, explique le Professeur écologiste André Nduwimana, enseignant à l’université du Burundi dans le département de l’environnement.
Pour cet expert, ce qui manque, c’est cette démarche de s’asseoir ensemble et de prendre des mesures qui sont concertées et acceptées par tout le monde.
L’absence de la zone tampon restreint la liberté des animaux :”Quand ils sortent dans les parcs, ils se retrouvent dans les ménages et dans les champs des citoyens.” souligne le responsable du Parc national de la Ruvubu.
Le code forestier du Burundi prévoit également de mettre sur pied le fond forestier pour dédommager les agriculteurs quand les champs agricoles sont ravagés par la faune sauvage. Bakundintwari Marc indique néanmoins que ce fond n’est pas encore mis sur pied jusqu’à l’heure actuelle.
Berchmans Hatungimana, directeur de l’Office Burundais pour la protection de l’Environnement indique qu’il est difficile de mettre sur pied un tel fonds d’indemnisation à l’heure actuelle en raison des ressources financières très limités et recommande plutôt aux agriculteurs de ne pas cultiver aux alentours des parcs les cultures comme le riz et le sorgho qui attirent les animaux comme les buffles.
Les agriculteurs ont réagi en organisant des rondes nocturnes pour empêcher les animaux de ravager leurs champs et en allumant des feux la nuit dans leurs champs, ce qui repousse les petits animaux, raconte l’agriculteur Hasabamagara Macaire.
Si les agriculteurs s’absentent, ne fût-ce qu’un seul jour, aux rondes nocturnes, ces animaux peuvent tout ravager. Ils attestent ne dormir à la maison qu’après la récolte. Et les grands mammifères causent encore énormément des dégâts:
« S’il vient des buffles, nous nous enfuyons, car le buffle fait très peur. Pour être honnête, personne n’a récolté cette année. Les buffles ont tout ravagé et nous ont attaqués jusque dans les ménages. Ils ont tué un homme à Rwamvura et blessé d’autres. On dirait qu’ils étaient fous. », témoigne Hasabamagara.
Dans la réserve naturelle forestière de Monge, les agriculteurs tendent des pièges aux animaux sauvages afin qu’ils y tombent s’ils viennent ravager leurs cultures, explique Léonidas Bizoza, écogarde. Or, le piégeage tue et fait fuir les animaux, constate Léonidas.
Les rivages du Parc national de Virunga, au Nord-Kivu, en RDC sont également concernés par le conflit entre l’homme et la faune . “ Alors qu’au Sud , des villages des pêches qui ont existé avant la création du parc et qui ne cessent de croître comme Kamandi, Kisaka, Muramba, Kyavinyonge, etc. s’étendent dans le parc, au Nord, les villages n’ont plus de champs fertiles et s’approprient des terrains fertiles dans le parc comme c’est le cas de Mayangose, Nyaleke ou Kanyatsi. Néanmoins, les agriculteurs voient les animaux du parc détruire leurs cultures dans leurs propres champs. Défis des limites, des cessions des terres non clarifiées au Centre : Kasindi, Isale, Karuruma et Lubirihya.”, fait savoir le professeur Paul Vikanza.
Les feux de brousse, cet autre défi
Chaque année, le Burundi connaît les feux de brousse. Les trois aires protégées qui ont fait objet de notre enquête ont toutes connu récemment les feux de brousse.
Pour défricher les terres forestières et enlever les herbes dans les champs agricoles, les agriculteurs pratiquent l’agriculture sur brûlis.
Autour du parc national de la Ruvubu, à l’est du Burundi, les agriculteurs brûlent les herbes qu’ils ont défrichées dans les champs et utilisent leur cendre pour favoriser la croissance des haricots et des maïs, assure Ndikumana Sylvie, agricultrice qui entretient ses champs sur la colline Rwamvura.
Mais, dans certains cas, le feu double d’intensité et se propage de manière incontrôlée, révèle les agriculteurs. Cela détruit l’aire protégée et contribue à la pollution.
Dans certains cas, le feu peut doubler d’intensité et s’étendre sur les collines et les parcs, révèle Surwanone.
Dans d’autres cas : « nous pouvons brûler les herbes la journée lorsque le soleil brille encore. Si on rentre sans toutefois avoir bien vérifié que le feu s’est éteint, il peut augmenter et s’étendre sur d’autres lieux. Ainsi, le feu de brousse voit le jour. » poursuit-elle.
La forêt subit parfois des feux de défrichement pour les cultures de manioc, témoigne Surwanone.
“Les feux de brousse effacent les limites du parc de la Ruvubu et permettent aux agriculteurs d’agrandir leurs champs dans le parc” regrette le responsable du parc de la Ruvubu.
Le Burundi perd énormément en cas de feux de brousse: « Les feux de brousse dégagent des fumées qui contribuent à l’intoxication de l’atmosphère. Sans toutefois oublier qu’il décime les herbes, les arbres ainsi qu’une grande biodiversité. » apprend-on par Berchmans Hatungimana, directeur de l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement.
Alors que le Burundi a perdu 366 hectares de forêts primaires humides de 2001 à 2022, ce qui représente 1.1% de la perte de la couverture arborée, la RDC a perdu, quant à elle, 6.33 millions d’hectares de forêts primaires humides, ce qui représente 35% de la perte de la couverture arborée au cours de la même période.
Selon Global Forest Watch, la perte de la couverture forestière au Burundi a évolué en dents de scie ces dix dernières années: Elle est passée, au Burundi, de 5 hectares en 2012 à 28 hectares en 2016 avant d’osciller autour de 5 hectares en 2022 tandis qu’en RDC, la perte de la couverture forestière a connu une hausse en dix ans passant de 212 000 hectares en 2012 à 500 000 hectares en 2016 avant d’osciller autour de 513 000 hectares en 2022.
La perte de la couverture arborée a, quant à elle, en général, connu une courbe ascendante au Burundi et en RDC. Elle est passée de 871 hectares en 2012 à 1610 hectares en 2022 au Burundi tandis qu’en RDC, elle est passée de 631 000 hectares en 2012 à 1 220 000 hectares en 2022.
De telle destruction d’habitat fait partie des facteurs de la disparition et de la diminution d’animaux sauvages. Selon le chercheur Benoît Nzigidahera, le Burundi a déjà enregistré plus de 10 espèces d’animaux disparues depuis la fin des années 1950.
En 1958, Curry – Lindahl, zoologue et auteur suédois dont les recherches portent principalement sur l’écologie et la dynamique des populations de vertébrés, en particulier dans les régions tropicales d’Afrique, mentionnait par exemple la présence de 200 éléphants dans la plaine de la Rusizi. A l’heure actuelle, il ne subsiste aucun éléphant. Le dernier éléphant a été exterminé en Décembre 2002 dans le Parc National de la Rusizi.
La disparition des espèces fauniques touche également d’autres biodiversités dans l’écosystème faunique et florique. En l’occurrence la difficile régénération des faux palmiers dans le parc de la Rusizi:
“ Les recherches ont montré par exemple que la levée de la dormance des semences de l’espèce endémique « d’Hyphaene » communément appelé faux palmier devrait passer dans l’intestin de l’éléphant. Mais, comme les éléphants ont disparu, la régénération de cette espèce se fait d’une façon vraiment lente à tel point qu’elle est en voie de disparition.” révèle Berchmans Hatungimana, directeur de l’OBPE.
Cependant, Hyphaene petersiana est une espèce importante qui a su survivre dans le sol hostile et les conditions édaphiques et climatiques: sol sableux ou argileux complètement gorgé d’eau en saison des pluies et complètement aride en saison sèche. Or, c’est grâce à cette espèce que la végétation du parc de la Rusizi garde encore sa physionomie forestière, lit-on dans une étude sur Hyphaene petersiana menée par le chercheur Nzigidahera.
Les Champs agricoles dans le parc de la Rusizi fragilisent les berges de la Rusizi
Prenant sa source dans le lac Kivu, la rivière Rusizi traverse trois pays de l’Afrique Centrale, dont la RDC, le Rwanda et le Burundi avant de se jeter dans le lac Tanganyika. Le parc national de la Rusizi au Burundi doit d’ailleurs son nom à la rivière Rusizi. La rivière Rusizi est la frontière entre le Burundi et la RDC.
Aux bords de cette rivière du secteur palmerai, les champs agricoles de maïs, de riz, de choux, etc. fourmillent. Ces champs touchent à la rivière. Les agriculteurs ne laissent aucun intervalle exigé par la loi entre leurs champs et la rivière.
Au Burundi, pour irriguer les cultures, les agriculteurs creusent des puits sous le sol au bord de la rivière Rusizi et l’eau monte. “Nous commençons alors à puiser de l’eau dans ces puits avec des arrosoirs” explique Ryarambabaje Philippe, agriculteur que nous avons rencontré aux bords de la Rusizi Sarclant sa plantation de Maïs. Ajoutant “ Ces cultures sont récoltées entre les mois d’Octobre et de Novembre quand il y a la famine”. “Nous cultivons aux bords de la rivière Rusizi, car nous accédons facilement à l’eau pour arroser nos cultures.” complète Agnès Irakoze, agricultrice.
Néanmoins, ces puits rendent les bords de la rivière Rusizi mous et sont à l’origine de leur effondrement dans la partie de Kagwema, en commune Gihanga et province Bubanza.
A force de cultiver aux bords de la rivière Rusizi, les rives sont fragilisées. En temps de pluie, la rivière Rusizi déborde, provoque les inondations et emporte avec elle une surface des rives de la Rusizi. La largeur de la rivière Rusizi augmente. Cet agrandissement de la rivière Rusizi est la conséquence du défrichement de la végétation qui protège les rives de Rusizi, dévoile Ininahazwe, responsable du parc de la Rusizi.
Au fur et à mesure que Rusizi s’agrandit et emporte ses berges, elle grignote l’espace forestier. Pierre Ntahomvukiye, écogarde, craint que Rusizi passe bientôt à proximité de la route nationale numéro cinq dans la partie de Kagwema.
Le lit de la rivière Rusizi se redessine d’une saison à une autre: « Par exemple, vers Kideheri, Rusizi s’est tracé un autre chemin qui dévie de la rivière principale et se dirige vers la RDC. Même en saison sèche, l’eau continue à couler vers la RDC. » fait savoir Ryarambabaje Philippe. Il se remémore qu’au début des années 2000 Rusizi ne passait pas par où elle passe aujourd’hui.
Démographie galopante: source de conflits fonciers?
« Je suis né dans une fratrie de 10 enfants. Nous avons trois petits lopins de terre. Après avoir partagé la propriété foncière laissée par nos parents, personne n’a hérité un lopin de terre où on peut semer trois kilogrammes (3 Kg) de haricot. » nous a confié Kamariza Emelyne lorsque nous l’avons rencontré à Nyarurambi, en commune Gatara et province Kayanza, au Nord du Burundi.
Gatara fait partie des communes les plus densément peuplées au Burundi. Selon Ndikubwimana Donatien, conseiller Chargé de questions politiques, administratives, juridiques et sociales de la commune Gatara, la densité de la population, en commune Gatara, s’élève à 847 habitants au km² alors que la densité moyenne nationale s’élève à 310 hab./km².
En RDC, surtout au Nord-Kivu, le professeur agronome Paul Vikanza, doyen de la faculté des sciences agronomiques de l’université Catholique du Graben, spécialisé dans la gestion des ressources naturelles à l’interface environnement et développement des populations, emprunte l’expression « Une poudrière démographique » pour parler cette région de Lubero, dont la démographie galopante est devenue un danger réel. Il s’agit du territoire le plus peuplé de la RDC avec plus de 200 mille habitants. Une région faite des terres dénudées par la culture et exposée à l’érosion.
Un danger réel exacerbé par des techniques culturales rudimentaires faites des labours répétés sans amendements des sols, pas de jachères; parce qu’ils sont obligés. Prend ainsi sienne cette description, le professeur Paul Vikanza.
Dans certaines agglomérations rurales du Nord-Kivu de plus de 50 mille habitants comme Kyondo; “aujourd’hui, celui qui a un grand champ, réalise difficilement deux parcelles.”, explique l’agronome Nzilamba Mukwahabiri Tridon. “C’est ces deux parcelles qu’il subdivise pour planter ici les choux, là les oignons, ou la pomme terre,…Et la production devient insuffisante”, complète madame Kavira Kavalami Marie José, directrice du CMDL Kyondo.
« Aujourd’hui, vu le nombre d’enfants dans une famille, on peut subdiviser une parcelle de 25 mètres en trois portions pour trois fils. C’est compliqué. Ici nous avons deux activités. L’agriculture et l’élevage. La terre est devenue très rare. Il y a une surpopulation dans notre agglomération. », explique Kasereka Kataliko Charles, Secrétaire administratif de la commune rurale LUUTU.
Au Burundi, le partage des exploitations agricoles familiales est souvent objet de conflits entre les membres de la famille : « Notre exploitation familiale est mal partagée, car je suis pauvre. Notre père était polygame et a épousé deux femmes. Je suis né à la première femme. Mes frères et sœurs de la première femme sont tous morts. Ceux de la deuxième femme ont survécu. Après avoir partagé notre héritage, la grande partie de la terre est revenue aux enfants nés à la deuxième femme. Vous comprenez qu’il y a eu de l’injustice. » Nous raconte Ngendabanyikwa Venant, agriculteur quand nous l’avons croisé à Muhingira, en zone et commune Gatara.
Si les moyens financiers s’améliorent, Ngendabanyikwa compte saisir encore la justice.
En 2017, 80% des litiges reçus dans les tribunaux burundais sont de nature foncière. Selon, Ndikumana Vianney, chef du cabinet du gouverneur de la province Kayanza, les conflits fonciers poussent la population de kayanza à passer une grande partie de leur temps derrière les barreaux. Parfois, ce lopin de terre qui fait objet de conflit est très exigu et ne peut rapporter grand-chose, constate-t-il.
“Les relations sociales sont tendues entre les membres de familles à tel point qu’ils s’accusent de sorcellerie lorsque l’un d’entre eux tombe malade” argüe Ngendabanyikwa Venant.
A l’heure actuelle, la famine conduit également certaines personnes qui n’ont pas de champs à voler dans les champs agricoles des autres: « Nous ne passons presqu’ aucun jour sans résoudre les différends liés au vol dans les champs. » affirme Sixte Ndayizeye, chef de la colline Nyarurambi.
Avant d’ajouter : “Parfois, le dépassement des limites des terres peut s’empirer à tel enseigne que la population se bat à coups de poings et de machettes.”
Sur la colline Mugera, en commune Kabarore, encore en province Kayanza, un homme de trente ans a battu à coup de machettes son père des suites du conflit foncier, a rapporté la radio Isanganiro le 26 Octobre.
Afin de dégorger les tribunaux de résidences, le gouvernement du Burundi a relancé le conseil des notables collinaires fin 2022. Notons que le conseil des notables est composé de quinze membres sur chaque colline, reçoit les plaintes des parties en litige et donne son avis sur toutes les affaires civiles de la compétence des tribunaux de résidence.
Depuis l’instauration du conseil des notables, il y a environ une année, nous avons reçu 47 conflits, indique Nyabenda Gordien, un des notables de la colline Nyarurambi. Cependant, plus de 30 conflits sont liés au litige foncier, explique Nyabenda Gordien.
Selon le rapport annuaire statistiques du Burundi publié en Mars 2023 par l’Institut National des Statistiques du Burundi (INSBU en sigle), sur 18 892 litiges reçus en 2017, 15 237 sont des litiges fonciers, soit 80, 65 %.
Selon INSBU, ces litiges fonciers ont triplé en quatre ans : ils sont passés de 5 307 litiges fonciers en 2013 à 15 237 litiges fonciers en 2017.
Lors de l’enregistrement des propriétés foncières, les burundais ont tendance à dépasser les limites de leurs exploitations agricoles, explique Boniface Niyonkuru, chef du service foncier en commune Gatara. Ainsi, les conflits naissent.
Selon Ndikumana Vianney, chef du cabinet du gouverneur de la Province Kayanza, l’exiguïté des terres est source de conflits entre parents et enfants. : « Nous avons déjà vu des cas où les enfants demandent à leurs parents pourquoi ils les ont mis au monde. Imaginez en tant que parent si un enfant te pose cette question. C’est honteux. »dit-il.
Selon le professeur Aloys Ndayisenga, géographe et enseignant à l’université du Burundi dans la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, « les burundais sont très attachés à la terre et à l’enfant. Ce comportement s’observe même parmi ceux qui ont fait de longues études. Et ça date de très longtemps.”
Traditionnellement, l’enfant était considéré comme une richesse, un prestige social pour les parents et une protection contre les vieux jours. Avoir beaucoup d’enfants signifiait avoir une main d’œuvre gratuite pour l’agriculture, explique le chercheur. Cette mentalité n’a pas changé, constate cet expert.
La transmission des terres de père en fils a été à l’origine de morcellement des terres depuis plusieurs décennies. Actuellement, les familles font face à l’exiguïté des terres, atteste cet expert.
“L’exiguïté des terres a engendré des conséquences multiples dont la misère généralisée, la famine, le chômage, la diminution de la production agricole, la surexploitation des terres et leur appauvrissement”, analyse cet expert.
Migration, malaria et guerre
Face à cette insuffisance des terres à cultiver, les habitants de Lubero, au Nord-Kivu migrent dans le parc des Virunga. Cependant, ils font face à deux défis de taille: les guerres et les maladies.
Sur les défis sanitaires, le docteur Soheranda, Médecin chef de la zone de santé rurale de Oicha depuis 1983, témoigne que: “ les gens qui venaient des hautes terres où le climat est froid ont de sérieux problèmes dans les basses terres où le climat est chaud. Il y a des maladies qui sont typiques aux contrées chaudes, en l’occurrence le malaria.”
En tant que médecin, il a vu souffrir beaucoup de gens, maltraités par le paludisme. Certains en sont morts, d’autres se sont adaptés et il y en a qui ont été obligés de rentrer dans leurs zones d’origine.
Cette zone de santé a répertorié 548 846 cas de paludisme de 2017 à 2022 dont 21976 cas graves et 240 décès. Il s’agit des cas qui sont arrivés dans une structure sanitaire et remontés à la zone de santé.
En 1992, il y a 30 ans, l’agriculteur Paluku Musunzu Evary, cultivateur à Oicha a pris une décision courageuse de quitter, le village natal de Malende aux alentours de la cité de Lubero pour s’installer dans le parc : « Je me suis retrouvé ici en fuyant les problèmes dans ma famille liés à la répartition de la terre. Quand j’arrive ici, je trouve qu’il y a de l’espace et que l’on peut faire ce que l’on veut. L’on peut prendre autant que l’on veut d’espace de champ sans que l’on vous dise que ça c’est un champ du grand-père ou de tel. On commence une nouvelle vie », se remémore-t-il allègrement.
Parti seul, il a vécu 6 ans avant que son épouse le rejoigne avec son enfant. L’intégration a été facile pour Paluku Musunzu Evary,: «Quand je suis arrivé, j’avais une bonne quantité de sang, m’a dit le docteur, je n’ai pas eu la malaria. Ça m’a aidé pour que je m’adapte facilement. Dans la croyance populaire, avoir suffisamment de sang permet de résister à la malaria. Car le paludisme provoque l’anémie, une diminution importante du sang dans l’organisme, ce qui est fatal pour beaucoup.
Néanmoins, ça n’a pas été facile pour sa femme et ses enfants : “A leur arrivée, ils étaient des proies de la malaria. Nous sommes arrivés au point où il nous a été conseillé que ma femme et mes enfants rentrent à Butembo dans le froid en raison de l’insuffisance de sang. Le médecin Kambale nous avait fort aidés, car il prenait de mon sang pour le transfuser à mon enfant. Puis petit à petit, ils se sont adaptés et la malaria a diminué dans leur sang. », témoigne Paluku Musunzu Evary.
Kanyere Amande Des Anges, enseignante à l’école primaire Chamboko et agricultrice ayant des champs à Aveyi, Potobu, Maleki, des villages situés à une dizaine de kilomètre de la commune rurale de Oicha, s’est retrouvé dans la région suite aux mêmes circonstances, mais la guerre détruit ses rêves peu à peu.
« A Masereka, nous n’avions plus assez de champs puisque la famille était devenue nombreuse et cela entraînait des conflits entre les membres de la famille. Alors, on nous disait qu’ici (Oicha) on pouvait avoir des champs, cultiver et récolter tout ce que l’on veut. Nous sommes venus. Nous avons eu des champs. Mais depuis un certain temps, on ne parvient plus à récolter ce que l’on a semé à cause de l’insécurité dans nos champs. », déplore-t-elle.
Cette partie du territoire de Beni fait face à une insécurité établie principalement par un groupe de rébellion d’origine ougandaise dite Allied Democratic forces ADF qui décime plus de 10 mille habitants à la machettes depuis une décennie en plus de la multitudes des milices autochtones dites Mai-mai.
Ces défis sécuritaires contraignent certains à rentrer dans leurs villages d’origine où ils ne sont pas les bienvenus, car les défis de partage de terre en famille demeurent.
Des bornes géo-référencées autour des parcs au Burundi
Pour préserver les quatorze aires protégées dont dispose le Burundi, l’OBPE a lancé en septembre les activités de délimitation des aires protégées par les bornes en béton armé géo-référencées : « C’est une activité que nous venons de lancer en province de Rumonge dans la réserve naturelle de Nkayamba puisqu’auparavant les aires protégées étaient délimitées par les pare-feux. Il y a des gens, toutefois, mal intentionnés qui tentent de déplacer un pare-feu. C’est pourquoi nous avons opté de poser des bornes géo-référencées. Nous allons prendre les coordonnées et les incorporer dans une machine à tel point que même après 100 ans, les traces de ces bornes soient visibles et facilement localisables. » indique Berchmans Hatungimana, directeur de l’OBPE.
Clôturer les aires protégées exige beaucoup de moyens. Toutefois, nous avons pour projet d’introduire dans le parc de la Rusizi des nouvelles espèces animales et nous serons astreints à clôturer certains endroits où nous allons juger nécessaire pour bien protéger ces animaux, poursuit Hatungimana.
En réponse aux agriculteurs qui se sont accaparés des terres dans la réserve naturelle forestière de Monge, Hatungimana explique que le problème d’accaparement de terres dans les réserves naturelles se pose également au sud, en provinces Rumonge, Makamba et Bururi.
“quand le gouvernement décide de protéger un endroit, c’est que tous les préalables nécessaires dont l’indemnisation… pour que celui qui exerce une activité dans cet endroit aient été faits. Même dans la réserve naturelle forestière de Monge, les préalables ont été faits avant de la délimiter. A l’heure actuelle, nous sommes en train d’y travailler en collaboration avec l’administration pour voir comment la population qui s’est accaparé des terres dans les réserves naturelles puisse quitter ces endroits afin qu’ils puissent être réservés uniquement à la protection” indique-t-il.
Pour le directeur de l’OBPE:” la fertilité des parcs et des rives de la Rusizi découle du fait que c’est une zone protégée. Si une zone est protégée, il recouvre facilement sa fertilité. En aucun cas, nous ne pouvons tolérer les agriculteurs exploitant les rives de la rivière ou bien à l’intérieur d’un parc, soi-disant que c’est une terre fertile alors que le ministère de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage subventionne les engrais organo-minéraux, la fumure organique et les semences sélectionnées et est en train de sensibiliser la population burundaise à les utiliser lors des cultures.” explique Hatungimana.
Le directeur de l’OBPE conclut qu’ils vont punir les récalcitrants une fois attrapés.
Quid des feux de brousse? Ce que nous comptons faire pour arrêter les feux de brousse, dit Hatungimana, c’est l’application stricte de la loi régissant les parcs nationaux. Si une fois, quelqu’un est attrapé en train d’allumer le feu de brousse dans un parc, il doit être puni exemplairement conformément à la loi.
Miser sur nos traditions, la loi et les innovations pour mieux gérer nos terres
En RDC, pour résoudre le problème des champs, les agriculteurs formulent des recommandations à l’Etat: “ ce que nous pouvons demander à notre Etat est de voir comment les familles vivaient avant. Nous avons perdu la dignité humaine. Aujourd’hui, celui qui a l’argent parvient à s’emparer d’un bien commun alors que tout le monde connaît la vraie vérité. Et ils vous disent que la loi foncière n’est pas ainsi parce qu’ils suivent les lois des blancs. Pourtant, nous vivions dans nos villages tout en sachant chacun sa part de terre qui lui donne droit de cité. Il faut que les problèmes de terre soient résolus par la coutume. », insiste notre interlocuteur à Oicha, Paluku Musunzu Evary.
« Les conflits fonciers commencent maintenant quand les patriarches (vieux sages du village) viennent tous de mourir. Quand ils étaient là, il n’y avait aucun conflit de terre. C’est une grosse erreur de se battre pour les champs. Les champs sont très traditionnels. Ce n’est pas bien de se battre pour ça », insiste Kahindo Malime, 82 ans, un conservateur de la tradition rencontré à Luutu.
En RDC, la crise des champs agricoles familiaux qui s’observe avec cruauté principalement dans le territoire de Lubero est due à un problème de la planification des terres. Il y a eu un manque de prévoyance dans l’étude des paramètres sociaux économiques de la zone, explique Katembo Juhudi Duparc, géomaticien de l’Institut de Recherche Intégrée de l’Université Chrétienne Bilingue au Congo IRIN/ UCBC. Heureusement, une loi sur l’aménagement du territoire examiné et adopté au parlement congolais pour aider à résoudre le problème.
« Au niveau national, il y avait un vide juridique. Heureusement, le pays vient de se doter d’une politique nationale d’aménagement du territoire et d’une loi votée. Avec ces outils, les provinces vont se doter des plans provinciaux d’aménagement du territoire et d’interventions foncières. », se réjouit-il. Car ce travail est en cours en province du Nord-Kivu. Un travail que l’UCBC réalise en partenariat avec la Coordination provinciale de la Commission nationale de la réforme foncière.
Ce qui permettra de mettre en place des modèles de gestion intégrée des territoires, explique Msc Shukuru Kyowero, enseignant au département des eaux et forêts à l’Université Catholique du Graben (UCG).
« Il faut des modèles des gestions intégrés des terroirs avec une agriculture intégrée où on applique la rotation des cultures, de la sylviculture et de l’élevage», encourage-t-il.
Mais en RDC, il faudra également combattre le phénomène de «latifoundisation» des terres par des richissimes hommes d’affaires qui s’accaparent des vastes étendues des terres sans bien les exploiter dénonce Muyisa Wasukundi Sorel, doctorat en cotutelle à l’école régionale d’aménagement des forêts des territoires tropicaux ERAIFT Kinshasa et à l’Université de Liège en Belgique.
« La latifundisation des terres. C’est-à-dire, il y a des riches qui s’emparent des vastes étendus des terres dans certaines zones et laissent à côté une masse des paysans sans terre. Si on peut arriver à conscientiser ces propriétaires terriens qui d’ailleurs n’exploitent pas adéquatement leurs vastes étendus des terres, ça serait intéressant. Ils peuvent faire valoir leurs terrains à travers ces paysans sans terre à travers une gestion intégrée du territoire», recommande Muyisa Wasukundi Sorel, doctorant à l’Ecole régionale d’aménagement des forets et des territoires tropicaux (ERAIFT).